12/02/2016

Fin de soirée

C'est un moment fascinant qui se produit surtout à Paris, peut-être parce qu'on a l'habitude d'assister à des diners chez des gens, même à les organiser, peut-être aussi parce qu'il y a toujours un dernier métro à ne pas louper. Au fur et à mesure que la fin de la soirée s'approche, la conversation languit. On pense à ce qu'il faut faire en rentrant, le lendemain matin, on s'éloigne de notre interlocuteur, dans notre tête. Puis, on dit "je ne vais pas tarder" pour dire "j'y vais" plus poliment. Tout le monde se lève, invité et hôte. Ce dernier s'habille, si c'est l'hiver, avec manteau, écharpe, voire bonnet et gants. On s'embrasse et, déjà à côté de la porte, presque la main sur la poignée, un dernier sujet de discussion arrive. Ce dernier sujet de discussion s'avère souvent être particulièrement animé, comme si savoir qu'on va se quitter, savoir que le sujet arrivera abruptement à la fin, donnait un étrange élan à cette discussion éphémère, justement parce qu'elle est éphémère, parce qu'elle ne mène à rien. Le débit s'accélère, la sincérité s'intensifie, tout comme l'empathie. Aussi, on a chaud, car trop habillés. C'est un plaisir et un malaise car l'on sait que cette impression que la soirée a été vraiment habitée, que les discussions ont été riches, ne est dû qu'à la fausse illusion engendrée par cette fausse discussion finale. On y met fin précipitamment, car il faut vraiment y aller, ça rajoute de l'excitation même, on se promet de reprendre le sujet la prochaine fois qu'on se verra. Mais, on sait que la prochaine fois, le sujet va s'épuiser très vite, que cela ne sera pas pareil, que ce n'est pas finalement si passionnant que ça, ce qu'on se raconte en ayant trop chaud à cause du manteau et de l'echarpe, la main presque sur la poignée de la porte.

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